J'entre maintenant dans la nuée, et je vais tenter de me représenter l'avenir du catholicisme au 21ème siècle, c'est-à-dire à l'ère nucléaire.

Depuis l'origine de la vie sur cette planète, il semble que tout ce qui a été appelé à grandir (par exemple les mammifères, ou les premiers chrétiens) est issu d'un tout petit reste.

Que l'humanité disparaisse, soit par un accident extérieur, soit par impuissance à maîtriser ses progrès, elle se retrouvera dans une situation connue des penseurs juifs ou chrétiens, celle qu'avait annoncée la Genèse dans ses allégories, lorsque le savoir poussait Adam à toucher l'arbre de vie. Nous ne savons pas comment meurent les étoiles, mais nous savons qu'elles meurent. Et peut-être sur d'autres planètes existe-t-il, accrochées à d'autres soleils, des humanités analogues à la nôtre, qui ont grandi, surgi, progressé, puis disparu? Telle est l'hypothèse du pire.
Mais le pire est l'ombre portée du meilleur. L'évolution fait surgir des formes de vie qui résolvent les antinomies et qui forcent les espèces à se surmonter pour trouver un nouvel équilibre plus haut. Bergson, à la fin de son dernier livre, propose cette formule : " L'univers est une machine à faire des dieux " ; je dirais : une machine à susciter des " saints ", un hagiostat. Tels furent les premiers mammifères, les premiers hommes. Tel fut le peuple juif avec Abraham. Telle fut l'Eglise avec Jésus.
Alors, je me demande si l'Eglise n'est pas une société à l'état naissant, si nous ne sommes pas les premiers chrétiens. Une espèce animale dure environ vingt millions d'années. La société que nous nommons chrétienne n'a duré que deux mille ans. Peut-être le moment où elle existera dans sa plénitude n'est-il pas encore arrivé ? Nous avons dit que l'Eglise a l'improbable pouvoir de s'étendre ou de se concentrer ; tantôt de se réduire à un seul clan, tantôt de se dilater à tous les vivants. Il y eut un moment où elle était enfermée dans le " sein d'Abraham ".